Françoise a peint sur cartons deux vitraux pour l’église en 1996. Ils ont ensuite été réalisé en émaux par Michel Ducreux, maître verrier à la Flêche.
Charité de Saint Martin
Commentaire des Amis de Françoise Burtz : Dans un village de l’Orne, le curé de l’église Saint-Martin a commandé plusieurs vitraux à Françoise. Voici deux gouaches. Regardons la première.
Elle représente Saint Martin. Ce dernier est en armure, sur un cheval magnifiquement harnaché, équipé d’une épée et d’un manteau pourpre – signe de pouvoir – chez les Romains. Il est donc présenté comme un homme important. Cette importance est soulignée par cette grande auréole rayonnante derrière sa tête.
Derrière elle, des trous noirs comme les grottes dans lesquelles il a vécu lors de son épiscopat à Tours. Françoise souligne ainsi que la vie de Saint Martin ne se résume pas à cet élan de charité mais est riche de la pratique de l’Évangile au quotidien jusqu’à la mort. Saint Martin est assis sur un cheval blanc. D’une main, il tient les rennes et semble avoir arrêté son cheval en pleine course. Dans le même élan, sans avoir réfléchi, il coupe son manteau et s’apprête à le donner au personnage du premier plan qu’il regarde avec tendresse.
L’homme au premier plan est présenté par la tradition comme un mendiant qui le lendemain de la scène apparaîtra au saint sous le nom de Jésus-Christ. Il semble que Françoise a choisi de représenter directement le Christ et non le mendiant. Regardons de près cet homme Il est presque nu, il porte uniquement un pagne autour des reins : comme le Christ sur la croix.
Sa main gauche levée en signe de protestation : je ne suis pas celui qui paraît mais je suis celui qui suis. Sa main droite tournée vers Saint Martin mais qui ne demande pas, elle semble le
désigner. L’homme ne regarde pas son bienfaiteur. Il regarde droit devant lui : regardez-moi, moi qui vous regarde et voyez en chaque petit que vous revêtirez votre Dieu comme saint Martin le fait en ce moment. Il va recevoir un manteau pourpre comme le Christ avant la flagellation mais aussi comme symbole du pouvoir : sa royauté est rendue visible par un homme mais elle ne sera pas moquée. La Miséricorde du Christ est donnée aux hommes par l’homme lui-même et sur ce vitrail, le Christ nous invite à faire de même. Revue n°12
Commentaire de Françoise Burtz : Avant de peindre Saint Martin, j’ai peint le pauvre. Il est le coeur, le noyau de l’Evangile. Nous sommes les pauvres et Dieu, comme un Saint Martin, nous recouvre de son manteau. (Etre recouvert du manteau veut dire être épousé en monde juif).
Et puis, il y a la charité des saints qui rejoint le coeur même de Dieu. C’est pourquoi l’ogive qui entoure Saint Martin est à la fois l’expression du feu qui est en Dieu et l’Eglise, « la charité de l’Eglise en acte ». Chaque saint, chaque baptisé habité de Dieu exprime l’Eglise Une et Sainte qui a pour mystère de dire le coeur de Dieu.
Au-dessus de la voûte-ogive-aura, on voit l’église bâtiment avec ses fenêtres ouvertes sur le monde. Elle se mêle au bleu du ciel. Et puis il y a la nature « qui attend en gémissant la révélation des Fils de Dieu et qui participe à nos actes de Rois, Prêtres et Prophètes.
Le cheval, tout d’abord presque debout sur ses arrières, rejoignant le ciel et quittant le terre à terre. Il est craintif devant le miracle du coeur de l’homme transfiguré par la grâce. Il voit dans le pauvre le passage de Dieu, tout comme l’ânesse de Balaam voyait Dieu. Et puis, les plantes, les fleurs, les pierres du chemin crient la Gloire de Dieu et chantent la charité. Françoise Burtz
Charité du Tiers-Monde ou La charité aujourd’hui
Commentaire des Amis de Françoise Burtz : Voici la deuxième gouache, oublions un instant le titre pour contempler cette oeuvre. De loin, ce vitrail rappelle un passage de l’Histoire Sainte : la manne au désert. Dans les mains de la femme un saladier déborde de petits pains posés les uns au dessus des autres. Le tissu du boubou de la femme est couvert de pois : comme des petits pains qui tombent du Ciel dans les paniers à ses pieds. Françoise a-t-elle transposé la manne des Hébreux en manne des Africains ?
Regardons maintenant de plus près. Il y a beaucoup de personnages : des enfants, des adultes et une grande femme. Cette grande femme est habillée d’un boubou bleu à pois
roses, rouges, blancs et jaunes. Elle porte dans ses bras un enfant et un panier. Cette femme avec l’enfant fait penser à une Vierge à l’enfant où Jésus tient le monde dans sa main. Ici la femme porte une croix autour du cou (elle ne peut donc pas être Marie) et l’enfant est triste, son regard est fuyant, il tient un fruit dans ses mains : son monde à lui.
Au pied de la femme des enfants lui serrent les jambes. Celui en chemise rouge, les poches pleines de fruits, la serre dans ses bras comme pour la remercier. Les autres regardent avec envie les paniers pleins à ses pieds. Une jeune fille en rose se tient le ventre comme si il hurlait de faim. Quelques uns, en chemise blanche ou en chemise jaune pleurent en nous regardant ou en regardant la main blanche qui se tend.
Cette main gauche appartient à un Européen, c’est la seule présence blanche dans le vitrail où tous les autres personnages sont d’origine africaine. On ne voit de cet Européen que la main et l’avant bras, il est anonyme. Les personnes à qui il donne ne le voient pas, ne le connaissent pas : ce n’est pas lui qui est important mais ce qu’il fait, ce qu’il donne. Cette personne porte une montre comme pour rappeler que « la charité n’a pas d’heure » !
Dans ce vitrail Françoise a repris le thème de la manne, mais ce n’est pas Dieu qui donne à partir de « rien » . Il demande à l’homme de prendre soin de ses frères. Il nous demande d’être miséricordieux. Revue n°12
Commentaire de Françoise Burtz : La charité est confrontée à la pauvreté et à la violence dans le tiers-monde.
Devant les mains mutilées par la guerre et les visages amaigris par la faim, devant la soif aussi, l’Eglise occidentale tend la main (la main à la montre en bas de vitrail).
Par cette aide discrète de l’Eglise soeur, l’Eglise du tiers-monde, comme une mère courageuse (en haut du vitrail), est capable de nourrir par elle-même ses enfants.
Calebasses remplies de pain, turbans couverts de fruits que l’on porte sur la tête, tout ce que le don de l’eau dans le désert a permis (calebasse d’eau dans les mains de la mère), rappelle et accomplit les promesses de la Bible.
C’est le souvenir de l’eau donnée par Dieu dans le désert et qui coulait du rocher, le souvenir aussi de la manne par laquelle Dieu nourrissait son peuple errant.
C’est enfin le souvenir de la multiplication des pains et des poissons sur la montagne, quand les Béatitudes étaient annoncées aux pauvres.
Le vitrail tout entier est fait de ces pains et de ces poissons multipliés devant Moïse, puis par Jésus.
La charité de l’Eglise qui travaille à la croissance des pays en voie de développement participe ainsi à l’achèvement de l’Histoire du Salut. Françoise Burtz